Après la séparation...
Je m’appelle Linda Lespinasse et j’ai 45 ans.
_Je suis maman de cinq enfants, âgés aujourd'hui de 10 à 20 ans, solo depuis 2018, date à laquelle le papa a décidé de changer de vie, et m’a quittée, après 18 ans de vie commune.
J’ai alors accepté une garde alternée. Il me semblait alors ne pas avoir le choix. Le seul doute que j’ai posé alors a donné lieu à une menace dents serrées, yeux haineux et index pointé, levé sur la pointe des pieds alors qu’il me dépasse déjà de 20 cm, à quelques centimètres de mon visage: “Tu vas quand même pas remettre en question la garde alternée?”
Non, je ne l’ai pas remise en cause. J’ai accepté. Mes jumeaux, mes derniers, n’avaient pas quatre ans et j’avais osé penser que la garde alternée ne leur serait pas profitables… Aucune force à mettre dans ce combat là.
Quand il m’a quitté, quasiment du jour au lendemain, je suis passée en mode survie:je reprenais le travail après 4 ans de congé pour élever nos enfants, pas de famille, un salaire de prof, et cinq enfants à loger dans la métropole lilloise…j’ai passé des nuits et des jours à chercher, calculer , j’y ai mis toute mon énergie. Et j’en avais. Encore.
Mais pas assez pour me défendre correctement: j’ai accepté, pour ne pas” heurter les enfants”, de les laisser à la maison et de sortir, une semaine sur deux afin que Monsieur puisse continuer à assurer sa paternité, et avoir le temps de chercher un logement pour ses enfants et lui. J’ai loué une chambre airbnb , cela m’a coûté de l’argent, j’étais sans domicile fixe, pendant que lui habitait une semaine à la maison avec nos enfants,et l’autre semaine chez sa nouvelle compagne. D’urgence à trouver un logement il n’y en avait donc aucune pour lui, j'ai dû le menacer finalement pour obtenir qu’il loue enfin une maison, après 7 mois d’errance.
J’ai accepté de divorcer à l’amiable pour pouvoir divorcer vite, et régler rapidement cette question du logement: pouvoir racheter la maison et nous mettre , mes enfants et moi, en sécurité, au moins de ce côté là.
J’avais pourtant des preuves d’adultère infamant: notes d’hôtel qui trainaient à la maison que nous partagions encore, , carte postale pleine de petrits coeur envoyée par sa nouvelle compagne et que j’ai reçue sur mon temps à moi , sms énamourés envoyés par “mégarde” à moi plutot qu’à la femme pour laquelle il me quittait…
Monsieur , par manque de réactivité, a fait traîner cette procédure en longueur…Le divorce n’a été réellement prononcé que le 10 février 2021, soit 2 ans et demi après la séparation…autant qu ‘un divorce devant un juge.
S'ensuit une période d'accalmie, en quelque sorte: Monsieur vit désormais avec sa compagne et ses deux filles, ils forment ainsi une famille recomposée de sept enfants.
J’ai pris le rythme et le pli de la garde alternée. J’ai un compagnon avec qui je ne partage pas ma vie matérielle, ni l’éducation de mes enfants , mais qui est présent.
Ma vie professionnelle est relativement satisfaisante, même si je suis souvent de manière courte et itérative, en congé maladie pour angoisse paralysante.
Je me remets vite et je continue à avancer.
Je flanche finalement en septembre 2022, rentrée difficile, mon psy et mon médecin traitant me mettent en arrêt longue maladie pour “éviter “ de tomber réellement dans un état dépressif.
Et là commence la lente et longue et douloureuse prise de conscience.
Ma fille Clémentine, surtout, j’ai l'impression que je l’entendais, mais en sourdine. Pourtant elle a pleuré, elle a crié, elle a souffert, elle m’a raconté. Mais je la renvoyais à son père. Et puis elle me tenait au secret, et je respectais, de peur qu’’elle ne me raconte plus. Il était comme ça, on ne pourrait pas le changer, il fallait faire avec . Je faisais avec. Depuis des années.
Durant ces années, ma fille Clémentine, qui a 12 ans quand son père me quitte, a subi de la parentalisation:
Son père lui donnait la charge du bain de ses petits frères jumeaux de 4 ans, et des devoirs de Nathanaël, au CP, la critiquait quand elle ne faisait pas tout, lui répondait”comment veux tu que je m’en sorte autrement” quand elle lui exprimait ses difficultés.
Elle pourrait vous raconter que lors de ses deuxièmes règles, l’été de ses douze ans, elle a vécu une soirée d’angoisse totale car elle avait peur que sa protection fuit, mais elle ne pouvait aller se changer car son père l’avait laissée en charge de ss frères à l’emplacement de camping pendant qu’il était en terrasse au bar, pour se délasser après une journée “éreintante” . Elle pourra aussi vous raconter qu’en revenant , il lui a reproché de ne pas avoir fait manger ses petits frères, alors qu'aucune consigne n’avait été donnée.
Elle pourrait vous raconter avoir subi un humour délétère à ses dépens: son père faisait régulièrement des blagues”second degré” où il devait être évident qu’il ne s’agissait pas de la vérité. Clémentine n’a jamais eu le sens du second degré et était ainsi l'objet de blagues récurrentes ,de la part de son père; puis de ses frères, qui lui faisaient croire des choses incroyables et se moquaient d’elle après car elle n’avait pas compris qu’il s’agissait de boniments. Moquée aussi sur ses éventuels petits alis, alors qu’elle avait demandé que ça cesse.
Elle a subi du mépris et des silences punitifs:” Débarrasse et lave la cuisine , non je vais le faire moi même tu le fais mal on peut pas compter sur toi, reviens ici finalement c'est pas à moi de le faire” et quand elle demandait des explications à son père il s'asseyait dans le canapé et faisait comme si elle n'existait pas ne lui répondant plus
Le jour où elle m'a raconté ça elle m'a dit qu'elle voulait donner des coups de poing dans les murs je l'ai obligé à commencer une psychothérapie
Jamais je n'ai pensé ni oser la défendre face à lui
C'est pour elle que j'écris aujourd'hui .
Antoine, François et Nathanaël ont subi de la violence aussi mais plus indirectement .
Ils vous raconteraient la violence avec laquelle monsieur s'en prenait aux filles d'Élodie, sa compagne. Il ne supportait pas qu’elles n’adhèrent pas immédiatement à son mode d’éducation, bien différent de ce qu'elles avaient vécu jusque-là avec leur père. Mes enfants avaient peur pour elles et ils me le racontaient souvent leur terreur quand ils voyaient leur père s’en prendre à elles. Cette fois là, j'ai pris mon téléphone pour essayer d'expliquer à Luc la peur des enfants .
Ils m'ont rapporté une scène où un pot de confiture avait été renversé dans le frigo et où Monsieur les a alignés contre le mur ,Antoine, François ,Nathanaël et Fiona et leur a hurlé dessus pour savoir qui avait renversé le pot de confiture . Antoine qui avait eu peur pour Fiona s'est dénoncé à sa place .C ‘était en 2019, ils avaient entre 5 et 8 ans.
C’est pour eux que j’écris aujourd' hui.
Mon fils Simon , mon fils aîné, a dû aller au lycée à vélo toute l'année scolaire, le lycée étant situé à plus de dix kilomètres, à trois quart d'heure de vélo de là et pédaler l'automne l'hiver le printemps et ce n'est qu'au début de l'été que j'ai essayé de trouver avec lui des solutions…Monsieur a choisi effectivement d’habiter avec sa compagne une maison très mal desservie par les transports en commun .Ni moi ni lui n'avions osé jusque là remettre en question les décisions de Monsieur. ,Il n’a jamais osé parlé à son père de sa souffrance à effectuer ces trajets quotidiens, allers et retours.
C’est pour lui que j’écris aujourd' hui .
Mes enfants ont subi de nombreuses promesses non tenues, des “oui, je vais retapisser ta chambre, la semaine prochaine puis la semaine suivante puis la semaine suivante,” puis jamais.
Des “je vais te rembourser la moitié de ton internat, car je n’ai pas besoin de bourses pour payer tes études”pour finalement recevoir une bonne dose de mépris quand Clémentine finit par oser demander à son père si il compte toujours lui verser cet argent…qui ne viendra jamais..
Tout ça n’étant que la partie émergée d’un iceberge géant de mille et un petits actes quotidiens, répétés, que la mémoire ne fixe plus car trop de douleur…..
Tout ça jusqu’à ce que….
En février 2024, voici un an et demi que je suis en congé longue maladie et que doucement je tire la ficelle des abus, depuis l'enfance et …
Ma fille Clémentine m’appelle, me demandant si elle a le droit de ne pas avoir envie d’être vue nue, en famille. Je suis perplexe, une lampe rouge s’allume à mon plafond: le red flag, enfin. Celui là, je le vois.
Survivante de l’inceste, c’est l’.intolérable qui m’apparaît, enfin.
Clémentine vous racontera que son père n’a jamais voulu mettre de verrou à sa chambre ni admettre qu’il pouvait frapper avant d’entrer. Ce jour là, il la surprend donc nue en entrant sans frapper, elle se met en colère et il lui répondra que sa colère envers lui n’est pas légitime, que dans la famille, c’est pas grave.
J’affirme à ma fille le contraire au téléphone et je commence à voir les choses différemment: le mépris agressif avec lequel Monsieur s’adresse à moi, devant mes garçons, me devient insupportable: je me demande: “Comment parleront-ils à leurs conjoints , plus tard?”
C’était il y a 18 mois.
Depuis, j’ai quitté un certain enfer pour reglisser dans un autre: je ne me laisse plus faire, j’exige des papiers qu’il me doit et qu’il n a jamais daigné me donner, il me met alors des bâtons dans les roues pour tout: la rentrée, noel, les comptes: je demande l’application de la Convention de divorce qui nous lie pour ne plus devoir négocier avec lui, il s'en sert pour m’accuser de vouloir détruire sa famille recomposée.
Et puis ça s'enchaîne et ça s’empire: il fait des scènes de dénigrement et de mensonges à mon égard devant mes enfants, racontant que je veux détruire sa famille recomposée, à plusieurs reprises. Il ment, ne répond que partiellement ou plus du tout, c’est la panade totale.
Il leur raconte que je mens depuis le début, sans vouloir dire de quoi il s’agit. Il dit qu’il a les preuves dans son téléphone et refuse de leur montrer.
Je prends contact avec une association d’aide aux victimes de personnalités toxiques qui me confirme mes craintes, mais,m’aide et me guide.
Ils établissent un dossier qui essaie de démontrer par des éléments de mon récit, les mécanismes du shéma d’emprise, et les conséquences néfastes sur moi, et mes enfants. Je n’ose encore porter plainte, je le crains trop, l’association dénonce pour moi les faits au procureur.
Mon fils Antoine parle de pensées suicidaires, une médiation que je suis,obligée d’accepter se transforme en pugilat où il ment à nouveau frontalement à la médiatrice et me traite encore de menteuse, sans vouloir toujours dire de quoi il s’agit…
Cela me décide à aller porter plainte pour violences psychologiques et conjugales, en avril 2025
Des scènes supplémentaires de dénigrement envers ma fille, de déni d’intimité envers les plus jeunes me décident enfin à demander une audience en référé au JAF au mois de juillet, afin de demander la garde pleine et dénoncer les violences psychologiques. Dans le dossier envoyé au Jaf, ma plainte et le dossier de l’asso, et des échanges de mails qui essaient de montrer quel enfer c’est que de cogérer avec lui la vie de nos enfants.
Requête en urgence acceptée! Audience le 19 août.
Ma fille Cléméntine n’est plus retournée chez son père depuis quelques mois.
Mon fils Simon a passé l’été à essayer de comprendre et analyser. Il m'a demandé de pouvoir consulter mon dossier pour le Jaf, et les conclusions de l’avocat de son père.
Il ne retourne plus non plus chez son père.
Mes trois puinés subissent maintenant leur père sans filtre et aimeraient eux aussi la garde pleine.
Quand Antoine lui en parle finalement, Monsieur,passe le week en à les serrer dans ses bras, à les culpabiliser, à pleurer et à leur demander; qu'est ce que je ferais sans toi?
Dans les conclusions de l’avocat de Monsieur pour le Jaf: des mensonges , du flou…mes aînés sont écoeurés.
Mais surtout, et c’est là tout l’objet de cet écrit:
Des attestations de ses amis et collègues, médecins, psychiatres, psychologues et éducateurs spécialisés qui tous attestent que c’est un bon père et que les enfants vont bien.
Et c’est vrai qu’en société, c’est un père magnifique. Mais
Mon fils Antoine, suivi par une psychologue, montre des signes tangibles de dissociation émotionnelle. Ma fille Clémentine connaît des états d’angoisses substantielles , sans parler de Nathanael, qui subit son père frontalement depuis quelques semaines …
Toutes ces personnes ont accepté de signer de telles attestations dans le cadre d’une procédure judiciaire incluant des violences psychologiques et intrafamilales: mes aînés, qui ont demandé à ,avoir connaissance du dossier sont écoeurés, esseulés , se sentent isolés et encore plus abandonnés à leur triste sort.
Et je pousse un cri d’alarme: si des psychologues, des éducateurs spécialisés des médecins des psychiatres sont capables de produire de telles attestations sans chercher à voir plus loin que leur amitié à cet homme là, alors je plains les enfants de ce pays, ils seront encore enfermés longtemps dans leurs violences intrafamiliales. Car oui, c’est une des caractéristiques de ces violences de se passer porte close et volets clos .
Qui pour les croire? Pourquoi parler et dénoncer si d’autres adultes , investis pour protéger les enfants, sont aussi peu capables de discernement?
Qu’on ne se méprenne pas, le temps du copinage entre adultes aux dépens des enfants n’est pas une affaire de boomers et d’époque révolue, ou d’archive INA: mes enfants et moi,sommes encore pieds et mains enlisés dans ces alliances éhontées où l'intérêt des enfants n’est pas assez fort pour que se remettent en question des amitiés de trente ans.
Pensée émue au film “Les Chatouilles”d’Andréa Bescond, où le meilleur ami du père profitait d’une gamine et violait son enfance , au dessus de tout soupçon.
Je m’adresse aux adultes de ce pays et je vous pose cette question: croyez vous que les violences se produisent au coin du feu de camp, à l apéro, en réunion sociale, alors que l’on sait que c'est pénalement condamnable?
La loi a fait d’énormes progrès quant à la condamnation des tels actes.
Une des conséquences cependant est que les gifles , les propos sexuels ou sexualisés , le mépris , le dénigrement, qui avaient libre cours dans les années 70 sont passés de l'espace public à l'enfermement et la solitude de l’espace privé. Pas de témoin. L’enfermement et la solitude à gérer, en plus de la violence.
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